INVICTUS... Victoire des springboks... 1995


Merci à France 2 d'avoir rediffusé INVICTUS… un incroyable film qui permet de réaliser le réel humanisme, et l'immense capacité de rassemblement de Nelson Mandela...

Cependant pour bien comprendre la réussite de cette équipe des Springboks, devenue Championne du monde face aux All blacks, je voudrais vous apporter un éclairage peu développé dans ce film...

S’il y a un autre homme qui doit être mis en avant pour expliquer cette extraordinaire performance, c’est bien l’entraineur Kitch Chritie.
Son rôle a été déterminant.
Pour mieux saisir son impact sur la vie du groupe, je souhaiterais vous faire part d’un article paru dans le Journal l’Equipe en 1995.

Cet article retrace le parcours de James Small, seul joueur de cette équipe victorieuse qui a vécu le premier test de l’après boycott, disputé le 15 Aout 1992.
Ce joueur raconte, vu de l’intérieur, trois années de la vie des Springboks.

C'est une véritable leçon de management que bon nombre de dirigeants devraient méditer, afin de ne pas oublier quelques fondamentaux parfaitement respectés par Kitch Christie...




Extraits de l'article de Richard Escot, publié dans l’Equipe du 15 Juin 1995...
« James Small est un rebelle.
Viré de l’équipe par Kitch Christie, parce qu’il s’était battu dans un bar après avoir été agressé, il a vite retrouvé sa place à l’aile droite.
Il a disputé vingt tests sur vingt six, record de l’après boycott, inscrivant dix essais.
D’origine anglaise, issu d’un milieu modeste, il échappe aux clivages.
A 20 ans, il est passé de l’équipe nationale junior au match historique contre les All Blacks, à Ellis Park, durant l’été 1992.

Il a affronté toutes les équipes du globe, connu trois entraineurs, John Williams, Ian McIntosh, et Kitch Christie, ainsi que deux capitaines, Naas Botha et François Pienaar. (joué par Matt Damon dans le film Invictus).

L’aire John Williams… 1992 - 1993

John Williams, l’ancien deuxième ligne des Boks, entraine l’équipe de l’après Boycott.
Un style rigide, et quatre défaites en cinq matches : contre la Nouvelle Zélande, l’Australie, la France et l’Angleterre.
Les springboks manquent leur grand retour. …/…

« Ce premier rendez-vous contre les Alls Blacks, c’était un événement. L’ambiance était électrique. …/…
Mais nous n’étions pas une équipe, juste les quinze meilleurs joueurs du pays.
Chacun s’était préparé dans son coin. Nous étions replié sur nous-mêmes.
Puis après ça, l’équipe s’est éparpillée. Il n’y avait pas de politique de sélection.

Lors de la tournée en France et en Angleterre, nous n’avions pas donné une bonne image de l’Afrique du Sud.
L’Afrikaner est introverti, il ne s’exprime qu’à travers le rugby.
C’est son âme et son sang. Nous étions régimentés, soumis à une rude discipline.
A l’ancienne, quoi !
Faut dire que John Williams, le coach, avait baigné dans ce système.
…/…



A cette époque, l’entraineur était le personnage central de l’équipe.
Nous devions lui obéir. Nous étions des soldats.
Et puis il y avait Naas Botha (le capitaine). Lui, c’était la légende vivante.
On osait à peine lui parler, il était intouchable.
Pendant les cinq semaines de la tournée en France, j’étais assis en face de lui dans le bus.
Je ne me souviens pas d’une seule discussion que nous aurions eue.
Il était concentré.
Toute la pression était sur lui, car nous savions que s’il était bon sportif du Pays sur le terrain, nous pouvions gagner un test.
Maintenant il s’est ouvert, il est devenu le meilleur commentateur du pays.


Ce qui m’a marqué dans cette période, c’est notre arrogance.
Nous étions persuadés d’être les meilleurs du Monde.
Et nous avons pris une grande claque. …/…
Le fait est que nous n’étions pas au niveau. »




L’aire Ian McIntosh… 1993 - 1994

Visite de la France : défaite.
Tournée en Australie : défaite.
Tournée en Nouvelle Zélande : défaite.

Ian McIntosh, qui a remplacé John Williams, apporte un nouveau savoir-faire et plus de décontraction.
Il est anglais, et pas même international. Mais les résultats ne suivent pas.

« McIntosh a changé les mentalités, cassé la notion de discipline.
Il a libéré l’équipe du passé, des années 70-80.
Son truc, c’était de copier les Australiens, la façon dont ils avaient été Champions du Monde.
Il avait été le coach du Natal et cette province pratiquait un beau style de jeu.
Il nous disait : « restez fidèle au plan de jeu et je m’occupe du reste »
Il prenait toutes les critiques sur lui et protégeait les joueurs.
Il répétait « mon boulot, c’est de prendre les coups, le votre, c’est de jouer ».

Il était excentrique, extraverti, émotif, théâtral.
Il aimait les séances tactiques au tableau noir. Il gesticulait devant les combinaisons de jeu.
Au début c’était sympa.
Et puis, petit à petit, il a commencé à nous faire rire. On l’appelait Mac.
Ce n’était pas très respectueux. Il voulait nous donner plus de liberté, mais c’est vite devenu le bordel !
Alors François Pienaar ( le capitaine ) est intervenu.
Il s’est occupé de la préparation psychologique.
Son rôle a pris de plus en plus d’importance dans le groupe.
Et McIntosh est devenu le mec qui gesticulait devant le paperboard, un feutre noir à la main.


La cassure s’est faite lorsque, la veille du deuxième test contre les All Blacks, à Wellington, François Pienaar a réalisé un montage vidéo de nos plus belles actions, sur un fond musical.
Il voulait nous redonner la fierté du maillot et nous conforter dans ce que nous faisions sur le terrain.
Nous étions émus.
Et puis il a demandé à plusieurs joueurs comment ils se préparaient pour ce test crucial.
Steve Atherton, le deuxième ligne, a dit : « ça dépend de mon humeur, quand je me lève le samedi matin… »
On est tous tombé sur le cul !

Comment était-ce possible de bousiller une préparation collective juste parce qu’on se lève du mauvais pied le matin d’un match ?
C’est là où certains on pris conscience que McIntosh n’avait pas su réveiller en nous l’esprit combattant, compétitif.
Il y avait trop de laisser-aller.
…/…



L’aire Victorieuse de Kitch Christie… 1994 – 1995

« Après mon éviction pour la tournée en Ecosse et au Pays de Galles, je suis revenu dans l’équipe, contre les Samoa, au mois d’Avril.
J’ai trouvé une équipe différente.
Les mecs sont vraiment des copains, prêts à s’aider dans la vie.

Ils ont trouvé les clés du succès.
Ils se font confiance, ne friment pas et ne se prennent pas la tête avant un match.
Il n’y a pas de pression. Et ça, je crois que c’est grâce à Kitch Christie.

Il a dit : « Voilà comment on va jouer, voilà de quel type de joueur j’ai besoin »
Il a fait sa sélection et depuis nous sommes un groupe soudé.
Pas besoin de tirer la couverture à soi pour assurer sa place, du moment qu’on est physiquement au Top.
Jamais je ne me suis entrainé comme ça.
Au début, on était morts de fatigue, lessivés.
Il nous a fait suivre une préparation commando, avec des exercices piqués dans les clubs d’athlétismes américains.
De la folie !


Monsieur Christie est un entraineur pas ordinaire.
Il nous a dit : « Je ne connais pas tout ! »
Il s’est alors entouré de plusieurs techniciens.
Il donne la parole aux joueurs, nous laisse bâtir avec lui, la stratégie pour le match.
C’est formidable !

Les joueurs sont mis à contribution, même ceux qui ne jouent pas.
Nous avons été très sensibles à ça.
McIntosh ou Williams n’auraient pas eu cette humilité.


Cela dit, M. Christie connaît son rugby.
Il lit admirablement bien le jeu.
Le lendemain de chaque match, il nous prend un par un et nous donne un pourcentage de réussite, par rapport à ce que nous avons fait dans le match.
Il répète toujours : « Un Springbok doit être à 80 % de réussite ».
Et puis il ajoute une petite phrase qui fait mouche. Une petite phrase pas plus.
A Chris Rossouw, le talonneur, il a dit après le match contre les Samoa :
« Bon lancer, mais pas assez de présence pour perturber le demi de mêlée adverse. »
C’est tout !
Le mec qui prend ça, il sait ce qu’il lui reste à faire.


Le leader dans cette équipe, c’est Chester (Williams).
Non pas qu’il ait une personnalité marquante, mais il est notre héros.
Nous avons besoin de ça en Afrique du Sud.
En 1992, c’était Botha, en 1993, c’était moi.
J’aurais pu demander n’importe quoi, je l’aurai obtenu.
Et puis, maintenant, c’est Chester. Il est au dessus des autres.
Comme s’il avait une bonne étoile qui s’occupe de lui, et de nous par la même occasion. »



Avec un tel témoignage, on comprend encore mieux ce qui a permis aux Springboks de gagner cette fameuse coupe de monde de rugby en 1995, et l’impact positif qu’elle a eu dans le projet mené par Nelson Mandela afin d'unir tout le peuple Sud Africain, les noirs et les blancs…

Allez, au plaisir de vous lire...

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