Félicitations Monsieur Onesta !!!

Très bel échange avec l'entraineur Français le plus titré ... Claude Onesta, suite autre titre de champion d'Europe qu'il vient de gagner avec l'équipe de France.
Il sait utiliser et développer les atouts de chacun de ses joueurs ... jeunes et moins jeunes !!

Bravo Patron !!!



Par Clément Daniez... journaliste et responsable des sports à l'Express.

Le handball est un sport qui se joue à sept contre sept et, à la fin, c'est la France qui gagne
. Depuis les JO de Pékin, les Bleus de Claude Onesta collectionnent les titres.
Une série sans équivalent dans leur discipline comme dans les sports collectifs français.
Doubles champions du monde (2009 et 2011), ils remettent en jeu à partir du 15 janvier, en Serbie, le titre européen obtenu il y a deux ans.
Ce succès de longue durée récompense la "méthode Onesta", avec laquelle les joueurs ont leur mot à dire dans la gestion du jeu et de l'équipe.
Issu d'une famille de gauche, militante, qui a fui l'Italie de Mussolini, il retient plus l'aventure humaine que les médailles.
Tel est l'homme Onesta - "honnête" en italien.

Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez joué au handball ?
Pas précisément.
Je devais avoir 11 ou 12 ans, à la fin des années 1960. Dans mon club de rugby, il existait une section handball. Les copains du collège m'ont sollicité pour les rejoindre, dans un gymnase poussiéreux. J'y ai fait la rencontre d'un entraîneur charismatique, Jean Weber, qui fut aussi mon prof de gym au lycée. Je m'y suis trouvé bien.



Avez-vous hésité entre rugby et handball ?
J'ai failli basculer. Je suis resté dans le handball, j'ai peut-être bien fait. [Sourire.]
En fait, j'ai joué au rugby chaque fois que j'en ai eu l'occasion. A l'université, notamment, avec des joueurs de première division, et lors de mon service militaire à la base aérienne de Toulouse-Francazal. La semaine se terminait le jeudi et je rejoignais l'équipe de hand de Toulouse.

Jean Weber est-il votre mentor ?
Il est de ces profs capables de participer à votre construction d'homme.
C'est lui qui me passe le témoin d'entraîneur, quand je mets fin à ma carrière de joueur, en 1987.
Aujourd'hui encore, il reste pertinent sur mon parcours et sur le handball, capable de mettre le doigt sur les points douloureux
. Il m'empêche de me mentir et de penser que le problème est ailleurs.
Il est capable de me dire : "Qu'est-ce qui fait que tu n'as pas été dominant, que tu as subi cette situation alors que ce n'est pas ton rôle de manager ?"
Cela me permet de rester quelqu'un qui résout des problèmes et ne se contente pas de les argumenter.

Le handball est-il toujours le "sport des profs de gym" ?
Oui, et sa réussite récompense ce modèle.
En France, il est arrivé par le scolaire, avec le développement des gymnases, après guerre. Les professeurs d'éducation physique y ont vu un compromis des autres sports : combat physique comme au rugby, adresse comme au basket et maîtrise des déplacements comme au football. Tout le monde y a joué. Il ne s'agit pas de gagner des médailles, mais de faire des hommes responsables.
Avec mes internationaux, je suis moins véhément sur des erreurs grossières de jeu que sur des défauts de comportement. Le handball est resté très attaché à cette vision-là, à tous les niveaux de pratique, jusqu'à l'équipe de France, qui se doit d'être la plus exemplaire. Chez nous, ce n'est pas de la com'.

Vous n'avez été que six ans prof de gym. Pourquoi l'expérience a-t-elle été si brève ?
Ma relation à l'élève m'a laissé de grands souvenirs, mais l'institution m'est apparue lourde et pénible.
Je voyais des élèves en échec scolaire, mais riches dans leur capacité de tirer profit des situations, avec une intelligence tactique.
On me les présentait comme des cancres qui ne feraient jamais rien dans la vie. Je n'ai pas eu la force d'attaquer les moulins.

Qu'est-ce qui cloche ?
L'école manque de travaux pratiques permettant à l'élève d'utiliser les savoirs et non de les restituer de manière mécanique.



Le handball gagne des titres et ses joueurs sont loués pour leur attitude. Ne bénéficiez-vous pas aussi de la comparaison avec le football, très décrié ?
Le football est affaibli, mais il peut supporter des crises à répétition.
Nous, si on fait un dixième de ses dérapages, on ne s'en remettra pas. Notre valeur ajoutée, c'est l'exemplarité.
Je n'oublie pas que je suis issu du sport amateur, du petit club qui organise une tombola pour payer le bus des enfants.
Le sport professionnel n'a d'intérêt que si le joueur est un miroir pour la jeunesse et que les sommes faramineuses empochées par les meilleurs se justifient par un comportement impeccable.

Et si, comme Raymond Domenech en Afrique du Sud, vous vous faites insulter par un joueur dans l'espace clos du vestiaire ?
Cela peut arriver.
Si l'intention est de blesser, d'amoindrir, la sanction doit être terrible.
Si c'est un marmonnement d'agacement, l'intelligence veut qu'on ne l'entende pas.

Vous avez connu l'échec et les critiques jusqu'au championnat du monde de 2005. Qu'est-ce qui manquait à l'époque ?
Ma fragilisation, c'est l'échec aux Jeux d'Athènes, en 2004, en quart de finale, dans un match qu'on a dominé avant de le perdre.
J'ai été attaqué de façon injuste sur mes résultats et ma capacité à diriger le projet. Sauf que la réussite du handball français, c'est patience et travail.
Mon prédécesseur, Daniel Costantini, a été seize ans à la tête de l'équipe de France. Le handball, le sport collectif qui a rapporté le plus de titres à la France, n'a connu que deux entraîneurs en vingt-sept ans.
La compétition de 2005 est très difficile : on est à deux doigts de mourir à plusieurs reprises et on accroche finalement le bronze.
Le groupe ne s'est pas bagarré pour moi - cela fait longtemps que j'ai compris que les joueurs ne se battent pas pour leur entraîneur - mais parce qu'il avait encore la capacité de vivre des choses.



Donner plus de responsabilités aux joueurs a été un tournant avant votre série de titres. Comment cela s'est-il passé ?
Il y a d'abord le départ des derniers "Barjots", après 2006 : Richardson, Kervadec et Anquetil [NDLR : champions du monde en 1995].
Que tout le monde dise aux joueurs qu'ils ne survivront pas à l'arrêt de Richardson est alors un carburant supplémentaire.
Surtout, il y a le Mondial 2007, où l'on nous prive du titre mondial [NDLR : défaite en demi-finale contre l'hôte allemand].

Tout le monde a reconnu qu'il y avait eu un problème d'arbitrage !
Tout le monde ! Pour la première fois, je perds et personne ne me rend responsable.
Je suis victime de l'injustice, de l'arbitrage, des Allemands. Pendant deux jours, je suis presque heureux d'avoir perdu, tant les gens sont agréables !
A un an des Jeux de Pékin, je prends une décision majeure : je demande à mes collaborateurs de reprendre l'analyse de notre jeu de zéro pour qu'à l'avenir l'arbitrage soit la seule chose qui puisse nous échapper.

Comment s'exprime cette collaboration ? Jusque-là, on disait à un joueur : "Toi, il faut que tu sois là et que tu fasses ça."
Maintenant, on lui demande ce qu'il en pense. Untel dit : "Dans mon club, on a fait évoluer ainsi telle situation."
Puis l'autre : "Chez nous aussi, mais attention, il faut qu'on fasse gaffe à ça."
Un signe fort : en dehors de l'entraînement, les joueurs ne parlent plus de cinéma, de voitures, mais de situations de jeu.
Ils sont devenus acteurs de leur performance, ils ne sont plus des éléments obéissants.
Au fond d'eux, ils savent qu'ils devront assumer la responsabilité de l'échec tout autant que la victoire.
Au moment où cela sent le roussi, ils mettent dorénavant tout en oeuvre pour s'en sortir.

Vous animez une trentaine de séminaires par an, les entreprises raffolent de votre parole de manager. Suivent-elles votre modèle ?
Elles ont compris que le leur était bancal.
Les produits, les démarches et les locaux sont bons, sauf qu'elles n'arrivent pas à y associer les hommes.
Certaines me disent : "On a les mêmes valeurs que vous, l'homme au centre de l'entreprise, le respect."
J'ai rarement vu des mecs dire que l'homme est un âne !
Il faut utiliser au mieux les compétences de chacun, mais cela bute sur la rétribution.
Je leur dis très souvent : "Vous voulez une dimension collective et vous n'avez que des valorisations individuelles."
Résultat, les employés sont isolés et se considèrent comme des adversaires.

Que proposez-vous ?
Mes joueurs ont des niveaux de salaire en club qui vont de 1 à 4.
Pour que chacun soit engagé, il faut une répartition équitable du gâteau.
La star qui a marqué huit buts en finale n'aura pas plus que celui qui n'a pas joué.
Quand vous dites ça en séminaire, les mecs s'étouffent.
Je leur dis : "Si je récompensais mon équipe comme vous le faites, au nombre de buts marqués, ils ne se feraient plus une passe et ne gagneraient plus de matchs."

Etes-vous entendu ?
On ne peut pas tout changer du jour au lendemain.
Mais j'ai le sentiment d'essaimer.



Vous vous êtes recueilli sur la tombe de Che Guevara, vous avez visité le mausolée de Lénine. Ces personnages vous inspirent-ils ?
Je suis aussi allé voir celui de Mao et le tombeau de Jésus.
Ces parcours m'intéressent, comme ceux de Gandhi, de Mandela et de De Gaulle. Ils se sont levés et ont dit non, refusant ce qui paraissait immuable.
Comme votre grand-père, propriétaire terrien qui a fui l'Italie de Mussolini. Il était militant communiste, comme votre père, ce qui n'est pas votre cas...
Sur le plan de la droiture et du souci des autres, ils m'ont beaucoup appris.
Je suis lucide sur les erreurs du communisme, comme je le suis sur les errements actuels, qui s'expriment dans la crise.
Les gens au pouvoir disent : "On ne peut pas faire autrement."
Je ne peux pas imaginer que le monde actuel soit le seul envisageable.

Vous avez tout gagné : comptez-vous quitter votre poste après les Jeux de Londres ?
Ça, c'est l'analyse traditionnelle des journalistes, mais cela ne marche pas comme ça !
Je m'en irai s'il y a échec, et s'il est lié à une rupture de confiance entre les joueurs et moi.

Après l'équipe de France, dirigerez-vous la Maison du handball, le futur Centre technique national, qui ouvrira en 2015 ?
C'est une possibilité.
J'imagine mal ne plus être associé à ce sport.
J'en suis le VRP, tout le monde me sollicite pour en parler.
Mais je ne sais pas ce que je ferai demain.
Je suis convaincu que se poser maintenant cette question, c'est nuire au présent : l'Euro et les Jeux olympiques.



Une belle leçon de management ...
Allez, au plaisir de vous lire.


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