Gaston LENOTRE : Ambassadeur de délices...


"Gaston Lenôtre s'est éteint dans sa maison, là où il s'était retiré avec son épouse Catherine au début des années 1990", explique le groupe ACCOR dans un communiqué.



Cet homme était un immense ambassadeur "du bon goût et du beau" comme il aimait le dire ...
Toute sa pâtisserie, mais également sa cuisine, était un délice qu'il a eu le "génie" de faire partager aux amoureux de "l'éveil des sens", mais qu'il a su surtout enseigner au plus grand nombre.

Né le 28 mai 1920 à Saint-Nicolas-du-Bosc (Eure) de parents cuisiniers, Gaston Lenôtre fait son apprentissage avant de s'installer à Pont-Audemer.

En 1957 (à 37 ans), il ouvre sa première boutique parisienne, rue d'Auteuil.
Il conquiert rapidement une clientèle séduite par ses bavarois, charlottes, mousses et macarons.
«Mes collègues pataugeaient dans le conformisme», confiait-il.
Lui veut rompre avec les codes traditionnels de la pâtisserie, et conçoit des gourmandises plus légères et aux saveurs nouvelles.
Il invente des gâteaux tels que «Succès», à base de pâte de macaron et de crème de nougatine, au nom prédestiné...



Dès 1960, Gaston Lenôtre innove en créant l'activité traiteur de la marque, et, en plus de la pâtisserie, il se lance dans l'organisation de réceptions, et dans la restauration.
On retrouve la signature Lenôtre lors des réceptions données à l'occasion d'événements comme les Coupes du Monde de football, en France et en Allemagne, les Jeux Olympiques de Sydney et d'Athènes.

En 1971, l'école Lenôtre voit le jour; elle forme à la tradition de la cuisine française des professionnels du monde entier, mais aussi des amateurs passionnés. «Ce travailleur infatigable, passionné et curieux, intransigeant sur la qualité, aura su créer une relève solide et encourager des vocations vers ces métiers de la pâtisserie et de la cuisine qui furent toute sa vie. Les chefs formés à L'Ecole Lenôtre (parmi lesquels Pierre Hermé et Richard Coutanceau) témoignent de la vitalité de son enseignement», ajoute encore le Groupe Lenôtre.
Pour Patrick Scicard, président du directoire Lenôtre, «nous avons perdu un père et un ami qui laissera une formidable empreinte au sein de la profession, en France comme à l'international. Il nous a transmis l'exigence, le partage du savoir, le goût du beau et du bon».
En 1985, l'entreprise passe sous le contrôle du groupe Accor, le leader européen de l'hôtellerie.

Depuis, l'enseigne Lenôtre a poursuivi son implantation, sous la forme de boutiques franchisées, non seulement en Europe mais aussi aux Etats-Unis, au Japon, en Corée, en Thaïlande, en Arabie Saoudite, au Qatar, au Maroc et en Tunisie.
Elle compte à ce jour, 52 adresses dans 13 pays et emploie 1.200 personnes en France.
La Marque Lenôtre est devenue un véritable ambassadeur de la gastronomie française dans le monde.

Le chef Paul Bocuse (son alter ego dans l'univers de la cuisine Française) lui rend ce magnifique hommage:
« dans le domaine de la pâtisserie, il y a eu (Antonin) Carême et Lenôtre .../... il a, en plus, ouvert la voie à de nombreux jeunes pâtissiers; c'est incroyable tout ce qu'il a fait, on perd un homme exceptionnel».
Le chef multi-étoilé Alain Ducasse a enfin fait part de sa «tristesse» après le décès de Gaston Lenôtre. Ce dernier lui ayant fait «prendre conscience de l'importance de la formation et du partage».
«C'est un très grand Monsieur qui nous quitte. Toute sa vie, Gaston Lenôtre a donné du bonheur avec générosité», déclare dans un communiqué ce Chef, qui a fait plusieurs stages à ses débuts chez le pâtissier.



Gaston Lenôtre laissera un goût délicieux dans la bouche de milliers de gastronomes...
...et c'est une belle récompense pour "l'un des plus grands maîtres de la gourmandise" !!!


L'Express est le dernier média à l'avoir rencontré, il y a un an. J'ai retrouvé cet interview sur LEXPRESS.fr Styles. Ces propos sont recueillis par François-Régis Gaudry.

Je vous la propose pour conclure cet hommage :

Gaston Lenôtre est attablé au Pavillon Lenôtre, avenue des Champs-Elysées. Il est escorté d'Alexandra Origet de Cluzeau, la directrice de la Communication du Groupe, et de Catherine, sa dernière épouse, avec laquelle il s'était retiré dans son pavillon de Sologne au début des années 90.
L'oeil pétille malgré ses contours rougis.
Le sourire rutile à l'américaine.
La cravate Hermès est impeccablement nouée.
Et la rosace bourgeonne au revers de sa veste écossaise.
Lenôtre, le plus grand nom du sucré.
Un créateur hors-pair à l'origine de la pâtisserie moderne, et un businessman qui fut à la tête d'un Empire avec une trentaine de magasins à l'étranger, du Japon au Canada en passant par l'Arabie Saoudite.

En 2000, vous faisiez la une des journaux pour la célébration de vos 80 ans. Quel souvenir gardez-vous de cet anniversaire?

Ce fut l'un des plus beaux jours de ma vie.
Rendez-vous compte: j'ai eu la chance de réunir tous mes amis de la profession dans les jardins du Trocadéro, au pied d'un monumental gâteau d'anniversaire de 10 mètres de haut, dressé face à la Tour Eiffel.
Il y eut ensuite un dîner de gala au Pré Catelan, au cours duquel mon grand ami Paul Bocuse m'a remis la médaille d'officier de la légion d'honneur.
Ce fut un grand moment d'émotion.

Avec le recul, comment expliquez-vous votre succès mondial?

(En riant) La baraka!
Je suis né avec un palais comme les meilleurs parfumeurs sont nés avec un nez.
Ce fut un don du ciel sur lequel j'ai bâti toute ma carrière.
Je n'ai jamais fumé, jamais bu.
Sauf quand il s'agissait d'un grand Bordeaux.

Je n'ai jamais eu de cholestérol, malgré tous les desserts que j'ai dévorés!
Bien sûr, la chance n'a pas suffi.
Il a fallu travailler avec acharnement et perfectionnisme, sans jamais baisser la garde.

Une anecdote illustre ce mélange de chance et de travail: quand je suis arrivé à Paris en 1957, j'avais un petit complexe par rapport aux chocolatiers suisses dont les médias parlaient beaucoup. Je me suis juré de devenir le meilleur.
Je me suis inscrit incognito à La Coba, une école renommée de Bâle, et j'ai suivi pendant deux mois les cours de Gilbert Ponnée, un professeur très réputé.
C'est ainsi que j'ai considérablement perfectionné mes entremets chocolatés.
Ironie de l'histoire: bien des années plus tard, l'école de La Coba a fermé ses portes et ce professeur m'a rendu visite à Paris pour me proposer ses services.
Ensemble, nous avons ouvert l'école Lenôtre qui connut un succès phénoménal et attira en quelques mois des élèves du monde entier!

Votre carrière est jalonnée de rencontres fécondes...



J'ai toujours cru aux rencontres, en effet.
Mon succès à Paris dans les années 60-70, est certes dû à la qualité de mes gâteaux, mais il fut accéléré par quelques personnes influentes.
Marcel Dassault fit connaître ma première boutique rue d'Auteuil, dont il fut l'un des plus fidèles clients, et Georges Pompidou m'a plus tard ouvert les portes de l'Elysée pour ses banquets de prestige.

Qu'avez-vous apporté techniquement à la pâtisserie?

Je fus un épicurien stakhanoviste.

Quand j'ai commencé mon apprentissage chez un pâtissier de Bernay, au coeur de ma Normandie natale, on savait faire les gâteaux, mais c'étaient des étouffe-chrétiens qui ne laissaient que peu de place à la créativité.
J'ai voulu créer des entremets plus innovants et surtout plus légers.
La «Feuille d'automne», une de mes créations best-sellers, en est une illustration: c'est un gâteau à base de meringue, de mousse et de ganache au chocolat, sans crème pâtissière et avec assez peu de sucre.
C'était révolutionnaire à l'époque...

J'ai aussi contribué à imposer l'idée que l'excellente pâtisserie ne pouvait se faire qu'avec les meilleurs ingrédients.
Beurre, sucre, chocolat, farine, amandes...
J'ai toujours choisi les nec plus ultra des produits, sans jamais faire la moindre concession sur la qualité, à une époque où l'on ne se gênait pas pour remplacer le beurre par de la margarine.
C'est sans doute pour cela que je n'ai jamais eu de cholestérol, malgré tous les desserts que j'ai dévorés!

Comment va la santé, justement?

Aussi bien que possible.
Je mène une vie très reposante en Sologne avec ma femme Catherine, mais je ne me prive de rien pour autant.
J'ai même encore un excellent coup de fourchette.
Tous les matins, à 9h30, mon petit déjeuner se compose de deux yaourts, de grandes tartines avec de la confiture maison et d'un jus d'oranges pressées.
Je me mets encore aux fourneaux pour mitonner de bons petits plats et même des millefeuilles...

Vous avez toujours été aussi épicurien?

Je fus un épicurien stakhanoviste, à la fois travailleur et profiteur de la vie.
Toute ma vie j'ai autant aimé l'effort, les femmes et les gâteaux.

Quel regard portez-vous sur la pâtisserie d'aujourd'hui?

Je suis heureux de constater que la France est largement en pointe de la création pâtissière mondiale, et que la maison que j'ai créée prend une part active à ce prestige.
Je suis aussi fier de voir évoluer d'anciens apprentis que j'ai formés, comme Pierre Hermé (lire son interview), qui connaissent à leur tour la consécration...
J'ai la faiblesse de penser que je leur ai transmis quelque chose.

Propos recueillis par François-Régis Gaudry

"Chapeau Bas" Monsieur Lenôtre.... et MERCI pour votre œuvre !

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