Le prénom est porteur d'un Projet

Prénommer un enfant, ce n'est pas simplement lui donner un prénom.
Quelles peuvent être les conséquences psycho-logiques pour l'enfant, et l'adulte qu'il deviendra, dans le choix de son prénom ?
On ne prénomme pas son enfant simplement parce que le prénom est "joli" ou "beau".
Autour de ce choix se greffent d'innombrables autres raisons, certaines conscientes, d'autres non.
Le choix du prénom de l'enfant n'est pas le fait du hasard... et il est, qu'on le veuille ou non, porteur de Projet !!!

Lorsque l'enfant vient de naître, sans qu'il le sache, il est déjà porteur d'un projet dont il n'a pas conscience...
Et ce projet a un nom : le prénom que les parents ont pris le temps de choisir, avec le plus souvent, beaucoup de sérieux et de réflexion...
Plutôt que de me lancer dans une explication de "brèves de comptoir"...j'ai préféré retrouver pour vous, le point de vue d'un spécialiste sur ce sujet : François Bonifaix qui est l'auteur d'un livre passionnant et surtout décoiffant de bon sens "Le Traumatisme du prénom".

Voici quelques idées forces qu'il développe dans son ouvrage...

Pourquoi tel prénom a plus de préférences pour les parents plutôt qu'un autre.
Chaque personne consciemment ou non est capable d'expliquer, ou tenter d'expliquer, pourquoi elle a donné le prénom X à sa fille et Y à son fils. La première raison évoquée est celle de l'affinité.
Le prénom plaît aux parents et la justification se convient à elle-même.

Mais le choix du prénom répond en fait à beaucoup plus de critères qu'on ne pourrait l'imaginer.
Facteur culturel d'abord, la gamme n'est pas la même que l'on soit originaire du nord ou du sud, que l'on raisonne en pays ou en région, que la langue soit étrangère, du patois.
Facteur social ensuite, relatif au niveau de vie et à l'occupation hiérarchique de l'individu au sein de la société.
Facteur de mode à nouveau mais dont l'origine et les mécanismes sont beaucoup plus complexes qu'il n'y parait et renverrait à la lecture préalable de «psychopathologies de la vie quotidienne» de Freud.

Tous ces éléments de type «patchwork» représentent une maille élaborée qui mène de la réflexion à la décision finale.

Tant le couple, avec l'arrivée d'un enfant, prend le nom de «famille», tant dans les prénoms, cette classification s'applique également. Nous distinguerons plusieurs types de familles de prénoms en fonction des éléments précédemment cités.

Un prénom est plus qu'un mot pour nommer, il est avant toute chose émotion, sentiment, il est un ressenti.
Il est transmission d'amour. L'enfant, communément admis, est le fruit d'un amour; le prénommer revient à faire exister cette triade : père-mère-enfant. C'est ce que, génération après génération, chacun s'essaye de transmettre au-delà de soi.
.../...

Les ratés sont nombreux mais il ne s'agit pas ici de s'étendre sur la dérive ici ou là de quelques-uns, mais plutôt du traumatisme engendré par cet acte qui se rapproche finalement de l'accouchement, accouchement douloureux qu'est celui du choix du prénom.
A l'acte d'amour succède un déplacement de ce que l'on a été, de ce que l'on aurait voulu être ou non, de ce que l'on aurait voulu naître pour soi d'un autre.
.../...

Choisir un prénom pour un enfant est un acte traumatisant auquel personne n'échappe.
Quand je parle d'acte traumatisant il ne faut pas forcément y voir là torture, coup de bâton ou rendre volontairement son enfant «cinglé». Trauma vient du grec blessure avec effraction; on parle de traumatisme en médecine et chirurgie comme les conséquences sur l'ensemble de l'organisme d'une lésion résultant d'une violence externe.
La psychanalyse a repris ces termes en les transposant sur le plan psychique; il faut y garder le sens de choc violent, effraction, mais surtout, conséquences sur l'ensemble de l'organisation (Vocabulaire de la psychanalyse, Laplanche et Pontalis, Puf).

C'est cette dernière définition qui nous intéresse ici : «conséquences sur l'ensemble de l'organisation».
En effet choisir et donner un prénom à un enfant ne va pas sans conséquences.
Le fait d'y associer des correspondances «bonnes» ou «mauvaises» est de l'ordre du jugement, de la critique que chacun peut apporter, et où l'on retrouve les avis partagés.
.../...

L'un des paramètres à prendre en considération est le moment du choix : avant, pendant, après la conception ; avant ou après le savoir du sexe de l'enfant à venir.
Faire un enfant, certes, mais très vite ensuite, garçon ou fille.
La génétique progresse d'années en années, et l'on nous parle de ce jour futur que l'on souhaite, ou que l'on redoute, de pouvoir choisir un jour le sexe de l'enfant à naître.
Pour l'instant le Comité d'Ethique veille à ce que ces dérapages ne puissent avoir lieu. On nous parle de laisser faire la nature, mais aussi de volonté parentale.
Tant qu'à faire un enfant autant pouvoir choisir son sexe, et pourquoi pas la couleur de ses yeux, comme sa mère, de ses cheveux, comme son père, sa taille, comme son grand père, et son intelligence, comme son oncle qui a bien réussi dans la vie.

Bref pouvoir faire et choisir son enfant comme au supermarché.
Tant qu'à signer pour 20 ans d'éducation autant mettre le maximum d'éléments positifs de son côté.
On nage bien évidemment en plein délire et la génétique n'est pas là pour répondre aux caprices de chacun.
.../...
On le voudrait parfait, on voudrait lui donner le maximum de chance au départ.
Lui transmettre le meilleur de soi tout en «mettant» de côté le moins bon.

Un enfant c'est un «projet» bien plus intense que celui d'acheter une maison, mais un projet quand même.
Il s'élabore, il se rêve, s'imagine dès l'âge où l'être humain est «capable» de se reproduire.
Qui ne rêve pas de l'enfant idéal et finalement «fait avec», l'aime «quand même», les propos sont durs mais si souvent entendus.
Un enfant est un désir qui se conçoit et somme toute paraît tout à fait normal, l'inverse serait plus inquiétant et relèverait certainement de l'internement.
Le désir est là, consciemment ou non, qu'il soit un garçon ou une fille.
Peut-être faudrait-il s'interroger sur les parents qui avant de savoir vous répondent qu'importe le sexe.
J'incite d'ailleurs les parents qui se reconnaîtront à s'interroger plus longuement sur cette réalité.
.../...

«Si on avait un enfant, on l'appellerait ...», cette phrase fréquente dans notre vocabulaire fait appel à l'imaginaire de l'enfant, celui de l'adulte qui renoue avec ses jeux passés, un peu comme on joue à la poupée ou avec son ours en peluche; ce besoin de nommer ce qui est, et dans ce cas précis ce qui sera, car telle est la «destinée» de tous.
C'est en fait une fausse projection dans le futur. Bien avant la conception, imaginer le prénom d'un enfant, ce n'est pas celui du sien mais de celui qu'on a été, le prénom que l'on aurait pu choisir pour soi.
.../...

Ce qui fait que rares sont les enfants arrivant à terme sans déjà un prénom.
Quelques irréductibles passent néanmoins au travers des mailles, ceux qui n'auront pas voulu savoir le sexe durant toute la grossesse et qui attendent la «surprise», ou alors ces fameuses erreurs de diagnostique que l'on a vu plus haut, on s'attendait à une fille et c'est un garçon qui nous arrive.
Un prénom dans l'empressement car l'infirmière ou la sage-femme demande immédiatement le prénom, nécessité oblige pour son «rapport» et pour le fameux bracelet qui permettra à la mère et au père de reconnaître son enfant parmi les autres.
Déjà ce besoin de localisation parmi les autres...

Un autre paramètre essentiel est la motivation «consciente» du prénom choisi en relation avec tous les facteurs que nous avons pu survoler tout à l'heure.
Il est en effet des parents qui méticuleusement rechercheront le meilleur prénom pour leur enfant. Ce qui fait l'affaire des marchands de promesses.
Se munir donc d'un dictionnaire des prénoms, référençant le maximum d'informations.
D'un dictionnaire des Saints, avec l'histoire et le martyr de chacun d'eux.
Eventuellement quelques revues de numérologie, d'astrologie ou d'analyse «extralucide» des prénoms, même si les parents n'y croient pas, s'ils leur arrivent de tenir «par hasard» un de ces livres en main, ils n'iront jamais prénommer leur enfant d'un prénom «maudit» par la numérologie.

Aussi cartésien soit-on, l'angoisse peut alimenter la superstition, et il n'est pas nécessaire de le rappeler, on veut ce qu'il y a de meilleur pour son enfant.
Il y a tellement de tenants sans aboutissants, on ne peut pas tout prendre en considération, alors ce qui peut l'être, même insignifiant, à la limite de son ridicule est pris en compte.
Tous ces éléments ajoutés les uns aux autres donneront un résultat d'opérations : le fameux prénom.

Et la recherche commence par une liste, d'abord les prénoms que chacun des parents connaît et «aime bien».
On les met en commun et on effectue quelques coupes.
Il reste un certain nombre qui passera par le filtre de tous ces dictionnaires et magazines quand ce n'est pas en plus par la censure de l'entourage.
Il s'agit ici d'une méthode comme une autre, n'allez pas croire à une incitation, il n'est fait ici que mention de témoignages.
Certains parents poussent plus loin encore la démarche de recherche.
Aucune méthode n'est mauvaise si elle vous appartient à vous, et qu'importe ce qui en est dit, il s'agit de votre enfant et de son prénom qui ne vous appartient plus au moment où il est apposé à celui qui va naître.
.../...

Pour terminer, rappelons que ce n'est pas le choix du prénom qui est la source du traumatisme.
Prénommer son fils Mathieu, sa fille Audrey n'est pas problématique en soi.
Ce qui le devient c'est le fantasme parental qui a amené à ce prénom;
.../...
Les parents ont choisi le prénom au travers d'une démarche, à l'enfant d'en faire ce qu'il en souhaite, aux parents de savoir abandonner ce fantasme et donner à l'enfant ce qui est à lui, c'est à dire lui-même.
C'est le flambeau de la vie.

.../...

L'enfant, c'est ce qu'il restera de soi lorsque nous ne serons plus. Alors tout commence par le prénom.


Mon nom est BOND, James BOND !!! Toute une aventure, rien que dans le prénom et le nom...

Vous pouvez approfondir ce passionnant sujet sur site "psychopsy" : Le Traumatisme du Prénom de François Bonifaix

Allez, au plaisir de vous lire ... Enjoy !

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : https://www.point-fort.com/index.php/trackback/63

Haut de page