Nécessité évidente de l'autre

Voici un passionnant extrait du livre d'Axel Kahn " L'homme, ce roseau pensant...".
Ce passage aborde, à mon sens, un élément essentiel dans notre vie :
"L'importance fondamentale de la reconnaissance d'autrui."
Ce besoin d'estime, quelle qu'en soit la forme, conditionne nos motivations, et "formate" probablement la création de nos atouts (ces fameux points forts que nous devons chercher à développer...) et ce, dès notre plus jeune âge !
Nous recherchons ainsi toutes les formes possibles de Reconnaissance (positives ou négatives) afin de ne pas subir cette insupportable Indifférence !!
Explications d'Axel Khan...



Sans l'autre, sans son influence et les cicatrices de mon esprit, je ne suis presque rien et n’ai sans doute pas accès à la conscience de moi.
Sans moi, l'autre est tel que je serais sans lui.

L'humanisation d'Homo sapiens passe par cette autoconstruction de soi qui exige le contact avec l'autre, la reconnaissance de sa singularité.
Puisque je n'ai pu me construire et me connaître que grâce lui, j'en déduis qu'il en est de même dans son cas, que je lui suis nécessaire autant qu'il l'est pour moi.

Ainsi, les conditions de l'exercice par l'homme de la plénitude de ses moyens mentaux le conduisent de façon inéluctable à la perception de l'énigme de l'altérité.

Énigme puisque c'est autre grâce auquel je me suis édifié et qui a eu besoin de moi pour faire de même n'est clairement pas moi.
D’ailleurs, eût – il été possible que j'accède à la conscience de moi en ne commerçant qu'avec moi-même, avec mon image ou mon double de chaire, en imaginant que je puisse me reproduire par clonage ?
Sans doute pas, car toute relation enrichissante exige la différence, l'apport mutuel permettant aux deux protagonistes du dialogue d'enrichir l'un et l'autre leur entendement singulier et de franchir ainsi les étapes d'une progression continue.
Il est bien sûr possible de progresser par un exercice de pensée solitaire mais seulement lorsqu'on en a acquis la capacité.

Un Homme façonné par son contact avec ses semblables dans une société de culture est capable, en une certaine mesure, de dialoguer avec une image mentale de l'autre, c'est-à-dire de soupeser des points de vue divers.

Si jamais n'a pu se développer l'hypothèse d'une pensée différente, l’échange et le dialogue avec autrui (ou l'idée qu'on en a) sont impossibles et l'esprit se réduit à une enceinte close ou ne peut résonner, s'atténuer peu à peu, que l'écho de soi-même.

Ainsi n'ai-je pu émerger de moi pour m’observer et me met connaître que grâce au feu d'un esprit autre que j'ai contribué moi-même à développer et à entretenir.

Il en va comme dans un âtre où une bûche isolée, même incandescente, engendre quelques fumées mais pas de flammes, à moins qu'elle ne se trouve soumise à la chaleur d'autres bûches à son contact, qui s'enflamment elles aussi.

L'ambivalence du rapport à autrui demeure irréductible.
En effet, considérons deux êtres, ou plus.

Leur interaction les a faits ce qu'ils sont, leur a permis tout à la fois d'en prendre conscience et de reconnaître les influences humaines qu'ils ont révélées à eux mêmes.


Pour autant, l'altérité de l'autre, condition nécessaire à l’édification mutuelle des personnes, est absolue et définitive.
Ceux dont je dépends tant, dont je suis conduit à reconnaître le rôle essentiel dans mon avènement à la qualité de sujet, je ne puis néanmoins les connaître réellement.
Parce qu'ils sont extérieurs à moi, je n'aurais jamais la capacité de les appréhender dans leur authenticité et dans leur totalité.
Eux-mêmes sont bien sûrs dans la même situation d'impuissance en ce qui me concerne.


Toute notre vie, nous ressentirons néanmoins la nécessité d'observer le reflet de nous-mêmes dans ce miroir déformant aux propriétés étranges que constitue autrui.



SON INDIFFÉRENCE A NOTRE ÉGARD NOUS RENDRA FOUS et nous nous perdrons en supputations quant à ce qu'ils pensent de nous, ce qu'il imagine que nous pensons nous-mêmes.

Une grande partie de nos pensées, de nos efforts auront pour but d'influencer de manipuler cette appréhension par l'autre de notre réalité, sans jamais aucune certitude d'y parvenir.


Nous sommes vis-à-vis de l'autre comme un être cherchant la confirmation de son existence à travers l'observation de son reflet dans les yeux et l'esprit de l'entourage, miroir infidèle mais irremplaçable.


Nous nous épuisons à tenter de remodeler notre image réfléchie selon l'idéal de ce que nous aimerions être, sans jamais maîtriser complètement les propriétés bizarres de l'esprit d'autrui qui nous reflète.



Texte tiré du livre d'Axel Kahn " L'homme, ce roseau pensant..."

Allez, au plaisir de vous lire ... Enjoy !

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