Lettre posthume de Mozart à Emmanuel Macron


Allez , juste histoire de boucler la semaine en beauté, voici une dernière lettre posthume de David Brunat... parue dans le figaro.fr



FIGAROVOX/HUMEUR - Après s'être glissé dans la peau de Steve Jobs pour conseiller Michel Sapin, David Brunat emprunte cette fois-ci la voix d'Amadeus Mozart, pour souhaiter à Emmanuel Macron un parcours sans fausse note.

Monsieur le Ministre,
Le concert d'éloges qui a retenti à l'annonce de votre arrivée dans l'orchestre gouvernemental de votre pays après une mémorable cacophonie n'aurait pas suffi à troubler mon repos éternel si mon nom n'avait pas été associé à cette espèce de Te Deum médiatique.
«Mozart de la finance», «Mozart du Gouvernement», etc, voilà des qualificatifs qui ont piqué ma curiosité.
J'aime savoir à qui l'on me compare.

J'ai donc mené l'enquête et j'ai été heureux d'apprendre que vous aviez des dispositions pour la musique et en particulier pour le piano, cet instrument auquel j'ai consacré de si belles sonates.
A l'époque où je voyageais à travers l'Europe et visitais la Cour de vos rois, il n'était pas rare que je croisasse un ministre philosophe et mélomane.
Vous renouez avec une vieille tradition.
Voilà qui suffirait à me donner de vous une bonne image.

Puis j'ai écouté de tous mes sens (et il se trouve que j'ai un peu d'oreille) les symphonies composées à votre endroit et j'en ai été un peu perturbé.
Vous êtes venu au monde avec des dons.
Une précocité unanimement saluée pour les choses de l'esprit mais aussi pour la chose publique - et pour celles de l'argent.
Un fort coefficient de sympathie, des amis partout, du style, de l'élégance.
Bref, une sorte d'Alcibiade de l'Elysée.
A en croire vos mentors Jacques Attali ou Jean-Pierre Jouyet, vous êtes plus qu'un brillant esprit, davantage qu'un génie, plus encore qu'un prince de la jeunesse: à les entendre, vous êtes une sorte de dieu.

A ce tableau éclatant, je n'ai trouvé qu'un seul bémol : qu'il n'y en ait aucun, justement, de bémol, si l'on veut bien mettre de côté les critiques attendues des jaloux et des gauchistes qui haïssent l'argent (surtout celui des autres).
Certes, vous êtes marié à une femme qui pourrait être votre mère - et je vois d'ici mon célèbre compatriote le docteur Freud s'emparer de votre cas avec gourmandise.
Mais en dehors de cette particularité peu banale et attachante, l'image publique qui est la vôtre est parfaite, pure, lisse, sans défaut.
Je ne dirais pas qu'elle est trop parfaite pour être honnête.
Je n'en sais rien, même si les personnages populaires de mes opéras diraient peut-être : «Il y a un truc qui cloche.»

Mais vous êtes trop bon philosophe pour ne pas savoir que l'épreuve du négatif, comme dirait votre voisin d'outre-Rhin le professeur Hegel, est importante et nécessaire à la vie, et combien il peut être fructueux et positif d'avoir des aspérités, des accrocs, des revers, des cicatrices, des bleus.
Que serait par exemple l'idole de votre époque et des entrepreneurs, Steve Jobs, s'il n'avait pas été renvoyé de son entreprise, s'il n'avait pas enduré dans sa chair l'épreuve d'une terrible maladie, si sa vie d'homme avait été cristalline et sans ombre, si un peu de forces dionysiaques ne s'étaient pas mêlées à la part de lumière et de raison ?

Ne vous méprenez pas : je ne vous souhaite aucun mal.
Je veux juste vous dire que les épreuves de la vie sont aussi importantes dans le parcours des grands hommes que leurs succès, leurs triomphes, leurs célébrations.
Et ce serait faire injure à votre intelligence et à votre expérience des hommes que de vous rappeler que les déceptions qu'on suscite dans l'arène politique sont à la mesure des espérances qu'on a fait naître.
Vous serez d'autant plus critiqué, accusé, insulté qu'on vous aura porté aux nues, et aujourd'hui vous êtes porté aux nues comme rarement un nouveau ministre l'a été dans l'histoire de votre République.

Et comme, en devenant un tel homme public, vous demeurez philosophe et devrez d'ailleurs faire preuve de philosophie dans l'exercice de vos responsabilités, vous me permettrez de citer un autre philosophe français qui eut lui aussi des responsabilités politiques:
«Sur le plus élevé trône du monde, nous ne sommes assis que sur notre cul.»

Même s'il est inévitable que vous commettiez des fausses notes et perdiez parfois les pédales, je vous souhaite sincèrement de réussir de bons coups d'archet pour les entreprises et pour l'économie de votre pays.
Sur ce, Cher Manu, je retourne à mon paradis de notes et de flûtes enchantées où tout n'est que beauté, douceur et paix.

Amadeus

Signé : David Brunat est écrivain et conseiller en communication.

Allez, au plaisir de vous lire ...

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